« Affaire de Perpignan » : le dopage toucherait les cyclistes professionnels



Les filières passeraient par les Pays-Bas et la Belgique

L'ENQUÊTE sur la nouvelle affaire de trafic de produits dopants, liée au cyclisme, prend désormais une dimension nationale (Le Monde du 8 avril). Après avoir perquisitionné au domicile de coureurs, en activité ou retirés du peloton, de médecins et de pharmaciens dans les régions de Narbonne (Aude), Montélimar (Drôme) et Saint-Jean-de-Bournay (Isère), les enquêteurs de la brigade de recherche de gendarmerie de Céret (Pyrénée-Orientale), à l'origine de l'affaire, devaient procéder à de nouvelles investigations dans la région Rhône-Alpes et autour de Bordeaux (Gironde).

Elles viseraient toujours le milieu cycliste. Un médecin intervenant auprès d'une équipe professionnelle serait concerné. Jeudi 13 avril, un nouvel acteur a été placé en garde à vue. Camillo Corcetti, ancien cycliste de Bourgoin-Jallieu (Isère) soupçonné d'effectuer des transports de produits dopants entre la Belgique et la France, devait être déféré devant le juge dans les 24 heures.

Pot belge - coktail stupéfiant contenant des amphétamines, de la caféïne, des antalgiques, de l'héroïne et de la cocaïne - et érythropoïtéine (EPO) : les ingrédients habituels de la panoplie du dopage cycliste nourrissent une instruction vivement menée par le juge perpignannais Francis Boyer. Treize personnes ont été mises en examen pour « usage, acquisition, cession et détention de produits stupéfiants, faux et usage de faux ». Sept d'entre elles sont actuellement incarcérées dont trois anciens coureurs professionnels : Thierry Laurent (Festina), Jérôme Laveur-Pedoux (Home Market) et Eric Magnin (RMO).

POTS BELGES ET EPO

L'enquête pourrait bientôt conduire les hommes de la brigade de Céret au-delà des frontières de l'Hexagone, vers la Belgique et les Pays-Bas. Selon nos informations, l'un des suspects, Thierry Laurent, se fournissait en pots belges et en EPO auprès d'un soigneur d'une équipe cycliste hollandaise. Les deux hommes avaient pour habitude de se retrouver régulièrement à Paris.Thierry Laurent, au domicile duquel des ordonnances et des produits illicites ont été saisis, a par ailleurs reconnu devant le juge et les gendarmes avoir monnayé une centaine de pots, à 1 400 francs le pot pour un bénéfice de 400 francs par unité. Jusqu'il y a environ huit mois, Thierry Laurent comptait parmi ses principaux clients Jérôme Laveur-Pedoux. Mais depuis, un différend ayant opposé les deux hommes, Jérôme Laveur-Pedoux se serait tourné vers un autre fournisseur, coureur professionnel employé par une formation belge.

Toujours selon nos informations, cette filière n'approvisionnait pas le seul secteur amateur. Des coureurs professionnels français de renom se seraient également procuré pots belges et EPO auprès de ces sources. Cette affaire présente de nombreuses similitudes avec celle instruite à Poitiers depuis le mois de juin 1998 qui avait conduit les enquêteurs sur une piste polonaise (Le Monde du 3 décembre 1998).

Yves Bordenave
Le Monde daté du vendredi 14 avril 2000