Monde du samedi 29 mai 1999


La moitié du peloton cycliste français mis au repos pour raisons médicales


par Philippe Le Cœur et Yves Bordenave

Soixante-sept coureurs professionnels français sur un total de 135 à avoir subi fin avril le deuxième volet du suivi longitudinal présentent des anomalies métaboliques importantes et feront l'objet d'arrêts de travail afin de satisfaire à des examen complémentaires, a indiqué, vendredi 28 mai, au Monde, le président de la commission médicale de la Fédération française de cyclisme (FFC), Armand Mégret.
Début mai, trois athlètes ont été mis au repos et ont, depuis, repris la compétition. Deux souffraient d'anomalies des fonctions surrénaliennes et d'un hématocrite supérieur à 50 %. Cinquante-quatre autres affichent un taux de fer dans le sang supérieur à la normale et subiront des analyses " poussées complémentaires ". En sus de l'excès de fer, neuf coureurs présentent également des anomalies dans les globules rouges. " On s'interroge sur d'éventuelles manipulations de la fabrication de globules rouges, a confié au Monde Armand Mégret. Ces résultats laissent apparaître des cicatrices d'abus en tout genre et pas forcément de produits illicites, comme des prises excessives de fer. Ces stigmates peuvent être dangereux, même après un arrêt des prises. "
Par ailleurs, dans son édition de vendredi, L'Equipe révèle que des traces de plusieurs produits illicites auraient été décelées sur neuf coureurs parmi les quinze sportifs entendus les 6 et 11 mai à la brigade des stupéfiants de Paris. Les analyses auraient établi la prise d'amphétamines et de Prozac (un antidépresseur) chez Frank Vandenbroucke et Philippe Gaumont (Cofidis), Laurent Roux (Casino), et des traces de corticoïdes chez Richard Virenque (Polti), vainqueur jeudi de l'étape du Giro. Cinq autres coureurs présenteraient également des tests positifs.
Les flacons saisis dans les bureaux de l'avocat Bertrand Lavelot, mis en examen le 6 mai, contiendraient de l'Undecanoate de testostérone, un stéroïde anabolisant. Les recherches d'hématocrite pratiquées indiquent un taux de 52 % chez Franck Vandenbroucke, soit une valeur supérieure au seuil des 50 % toléré par l'Union cycliste internationale (UCI). Le jeune espoir belge, sous le coup d'une suspension prononcée par son employeur le 10 mai, risque d'être licencié si l'information se confirme. Interrogé, vendredi matin, par Le Monde, le parquet de Paris a assuré que le juge Colin n'avait pas encore reçu les résultats d'analyses, contrairement à ce qu'indique le quotidien sportif.
Le seuil d'hématocrite de 50 % fait l'objet d'une controverse depuis sa mise en place en janvier 1997. A tel point que les vingt-cinq experts réunis mardi 11 mai au siège de la FFC à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) pour une conférence de consensus sur les moyens de détecter les apports exogène d'EPO devraient recommander de ramener ce seuil à 47 %.
L'hématocrite n'est qu'un indicateur et un taux " anormal " ne constitue pas la preuve irréfutable d'une prise d'EPO. Il permet d'établir le degré de concentration des globules rouges. L'une des conséquences de l'EPO est d'accroître cette concentration et de faire grimper un taux dont les valeurs référence se rapprochent en général de 43 ou 45 %. Alerté par l'usage massif de l'EPO dans le peloton professionnel, en janvier 1997, l'UCI avait instauré des contrôles sanguins inopinés. Tous les coureurs qui présentaient un taux supérieur à 50 % se voyaient prescrire un repos obligatoire. Lors des premières opérations, réalisées au départ de Paris-Nice, le 9 mars 1997, trois coureurs, dont le Français Erwann Menthéour (Française des jeux) avaient été mis en arrêt de travail et contraint d'abandonner la course.

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