Tour de France : Lance Armstrong a été contrôlé positif aux glucocorticoïdes



Le contrôle subi le 4 juillet par le coureur américain, actuel maillot jaune du Tour de France, révèle qu'il a pris un médicament interdit. Son équipe, US Postal, affirme ne pas être au courant des résultats de ces analyses


Lance Armsrong est une énigme. Pas tant parce qu'il a, sauf rechute imprévisible, guéri d'un cancer du testicule, ce qui se produit dans 80 % des cas s'agissant de la forme la plus agressive, mais parce qu'il réussit l'exploit d'avoir dans ses urines les traces d'un médicament interdit chez les sportifs qu'il affirme n'avoir jamais pris et dont aucune sécrétion naturelle par l'organisme n'existe. Lance Armstrong a bel et bien pris un produit interdit la triamcinolone acétonide, un corticoïde de synthèse à action retard sans justification ni notification à l'autorité médicale.

Les contrôles qu'a subis Lance Armstrong :
Deux examens sont à distinguer : la recherche de corticoïdes exogènes, c'est-à-dire non secrétés naturellement par l'organisme, et le rapport testostérone/épitestostérone, destiné à déceler la prise éventuelle d'anabolisants ou d'hormone mâle, la testostérone. Pour le premier examen, le Laboratoire national de lutte contre le dopage (LNLD), dirigé par Jacques de Ceaurriz et installé à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), a mis au point un protocole de détection faisant appel à la spectrométrie isotopique. Cette méthode, qui étudie la position des atomes de carbone différente selon qu'il s'agit de l'hormone naturellement sécrétée, le cortisol, ou de corticoïdes de synthèse permet de distinguer ce que l'organisme produit lui-même de ce qui a été absorbé.

« IL Y EN A, OU PAS »

La présence de triamcinolone, glucocorticoïde de synthèse, a donc été été décelée dans les urines de Lance Armstrong. L'examen ne consiste pas en un dosage. Comme on l'indique au LNLD, « il y en a ou il n'y en a pas ». Le fait que l'on ait retrouvé chez le coureur américain des « traces » de glucocorticoïdes donne une indication quantitative non pas sur la quantité de médicament absorbé, mais sur ce qu'il en reste au moment où a été pratiquée l'analyse. L'essentiel est ailleurs : Lance Armstrong a bel et bien pris un médicament interdit.
Le rapport testostérone/épitestostérone explore, pour sa part, la prise d'androgènes, ou d'anabolisants, par l'examen des résidus urinaires du catabolisme de la testostérone. La testostérone exogène, à la différence de celle, endogène, produite par l'organisme, ne se convertit pas en épitestostérone. En cas d'apport extérieur, par des androgènes (hormones mâles) ou des stéroïdes anabolisants, le rapport va augmenter. Normalement égal à 1, il est considéré comme normal jusqu'à 6. Entre les valeurs de 6 et 10, de nouveaux prélèvements et un suivi médical sont pratiqués. Au-delà de 10, le contrôle est positif sans équivoque.
Dans le cas de Lance Armstrong, la valeur du rapport était de 0,2 lors du contrôle du 4 juillet, à la fin de la 1er étape du Tour. Une valeur couramment observée et située dans la zone normale, qui permet d'affirmer que le coureur n'a pas eu recours à des androgènes ou à des anabolisants durant la période concernée.
Le produit concerné :
Le produit décelé à l'état de traces dans les urines de Lance Armstrong est un glucocorticoïde de synthèse commercialisé depuis 30 ans. Les corticostéroïdes (ou corticoïdes) sont des hormones stéroïdes sécrétées naturellement par les glandes surrénales, situées juste au-dessus des reins.

ACTION JUSQU'À 30 JOURS

Les corticostéroïdes sont de deux types : minéralocorticoïdes, qui agissent sur le métabolisme hydro-électrique ; et glucocorticoïdes, qui ont des actions métaboliques nombreuses (anti-inflammatoire, anti-allergique, immunosuppressive). Les glucocorticoïdes (cortisone et cortisoïdes de synthèse) stimulent le système nerveux central et ont une action euphorisante. Il en résulte une diminution de la sensation de fatigue, à quoi s'ajoute une diminution des phénomènes douloureux.
Les formes retard ont une durée d'action prolongée, pouvant aller jusqu'à une trentaine de jours. Elles mettent donc du temps avant de disparaître totalement des urines. Dans le cas de la triamcinolone, dont la durée d'action est jugée intermédiaire, la vitesse à laquelle le produit agit, puis disparaît de l'organisme varie beaucoup selon individus : « Ce médicament n'est pas d'un maniement très facile ; on ne sait pas bien ce qu'il en reste dans l'organisme. », explique le docteur Philippe Chanson, endocrinologue à l'hôpital Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre, dans le Val-de-Marne). Le décret du 10 juin 1998 sur le dopage précise sans ambiguïté que « L'usage des corticostéroïdes est interdit, si ce n'est :
A. ­ En application locale (…), mais non en voie rectale ;
B. ­ Par inhalation ;
C. - Par injection intra-articulaire ou locale.
Une notification obligatoire des athlètes demandant, durant la compétition, des corticostéroïdes par inhalation pour le traitement de l'asthme a été introduite. Tout médecin d'équipe qui désire administrer des corticostéroïdes par injection locale ou intra-articulaire, ou par inhalation, à un concurrent doit le notifier par écrit avant la compétition à l'autorité médicale.
»
Lance Armstrong affirme qu'il n'en a rien été.

Le cancer du testicule dont a été atteint Lance Armstrong est sans lien avec le contrôle positif pour la prise de corticoïdes. « Ce cancer est l'un des rares cancers que l'on sache guérir à l'heure actuelle, indique le professeur Thierry Flam, chef de service adjoint d'urologie à l'hôpital Cochin (Paris). Ni cet antécédent de cancer en 1996, ni les traitements subis, ne sont de nature à modifier les contrôles pratiqués. Le fait d'avoir eu un cancer du testicule n'expose pas davantage à des risques particuliers en cas de prise de glucocorticoïdes.


Paul Benkimoun mercredi 21 juillet 1999

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