L'hormone indétectable


Par PATRICK LAURE

L'intérêt manifesté pour le dépistage de l'érythropoïétine (EPO) à Sydney fait parfois oublier que d'autres produits interdits échappent aux contrôles. Comme l'hormone de croissance, ou somatrophine, un must parmi les dopants. Cette protéine, composée de 191 acides aminés, est sécrétée par l'hypophyse, une glande située à la base du cerveau. Sa production est régulée de façon précise mais complexe. Par exemple, un exercice physique réalisé avec les membres supérieurs peut multiplier par cinq son taux sanguin. Le rôle de la somatrophine est fondamental: elle stimule le développement des tissus, notamment musculaires. Dès les années 1970, certains sportifs s'y sont intéressés. Cette période correspond aussi aux premiers tests de dépistage des stéroïdes anabolisants: il fallait leur trouver un substitut. De plus, l'efficacité attribuée à l'hormone pour accroître la masse musculaire (qui serait de 15 à 20 kg de muscle en quelques mois) en fait vite un dopant incontournable. Pour augmenter leur taux sanguin d'hormone de croissance, les sportifs recourent à deux procédés. Le premier consiste à stimuler la production endogène avec des produits comme la somatostimuline, le GHB, des mélanges d'acides aminés, etc. Mais tous seront sans doute dépassés sous peu, avec l'arrivée de nouvelles molécules: les sécrétagogues.
Le second moyen est l'injection d'hormones de croissance. Elle provient, souvent, du marché clandestin. Mais, outre l'aspect illégal de ce commerce, le risque est grand d'acquérir des produits de qualité douteuse. Par exemple de l'hormone de croissance de macaque vendue comme étant humaine, ou encore de la banale testostérone à la place de la somatrophine. Sans compter les risques de transmission de maladie infectieuse. La détection de cette hormone, interdite depuis 1989 par le CIO, contribuerait peut-être à limiter sa consommation. Mais elle est encore impossible. Les seules méthodes disponibles sont sanguines et indirectes.

Médecin, sociologue, spécialiste des drogues de la performance, Patrick Laure est conseiller à la direction régionale de la jeunesse et des sports de Lorraine.