Sombre tableau du dopage amateur au procès du "pot belge"

POITIERS, 28 mai (AFP) - La première journée lundi à Poitiers du procès du "pot belge" a brossé un tableau assez sombre des pratiques de dopage dans le cyclisme amateur et des risques pris par les coureurs pour leur santé.

Sur les 41 prévenus appelés à comparaître dans cette affaire de trafic de substances dopantes et euphorisantes, 32 étaient à la barre, les 9 autres étant absents soit pour cause d'hospitalisation, soit parce qu'ils avaient refusé de se déplacer.

Les prévenus, âgés de moins de 30 ans à plus de 70 ans, sont en majorité d'anciens coureurs amateurs, de bon niveau pour certains, et aussi quelques anciens professionnels et d'anciens dirigeants de clubs.

La plupart est accusée "d'acquisition, détention, transport, offre ou cession non autorisés de stupéfiants et d'usage illicite".

L'affaire porte le nom de "pot belge" parce qu'elle concerne un "cocktail" dopant importé de Belgique. Mais il existait également une filière plus importante provenant de Pologne. Six ressortissants polonais, dont deux présents à l'audience, figurent parmi les prévenus.

Le "pot" que les coureurs s'administraient par intraveineuse était composé d'amphétamines et d'antalgiques, mais on a aussi décelé des traces de cocaïne et d'héroïne dans celui venu de Pologne.

Des pourvoyeurs alimentaient les pelotons. Quand les coureurs ne consommaient pas toutes les fioles de 8 ml à plus de 1000 FF (152,5 euros) l'unité, ils se faisaient revendeurs.

Ce trafic s'est élevé à 1,6 MF (244.000 EUR), selon la présidente du tribunal entièrement composé de juges féminins, Marie-Claude Gauthier-Bernard.

Dépendance

A la barre, plusieurs coureurs ont raconté combien ils étaient devenus dépendants du produit qu'ils prenaient pour la course ou pour faire la fête, parce qu'ils ne pouvaient plus s'en passer.

"Au début, c'était pour la course car on se sentait beaucoup plus fort, a raconté un prévenu de 28 ans. Mais quand on rentrait à la maison, on se sentait fatigué, pas bien dans sa tête, alors on avait envie d'en reprendre et après c'était le matin, le midi..."

La dépendance peut s'expliquer par la présence en légères doses d'héroïne et de cocaïne selon Patrick Mura, expert toxicologue du centre hospitalier universitaire de Poitiers, appelé à témoigner.

Il a évoqué les risques psychiques et physiques induits par les amphétamines et les produits du "pot", d'autant plus grands qu'ils sont absorbés par un coureur jeune, le plus important étant le risque d'arrêt cardiaque.

Des avocats de la défense et des coureurs ont mis en cause la Fédération française de cyclisme (FFC), partie civile et représentée par Me Paul Mauriac.

"Que fait la police, que fait la fédération, c'est toujours le même disque, c'est lassant", s'est-il emporté.

Le procès doit se poursuivre au moins jusque vendredi.

L'affaire a éclaté en juin 1998, après que deux jeunes coureurs eurent confié leurs troubles de santé à leur médecin. L'enquête n'a pu établir qui était à l'origine des substances dopantes.

Il aurait dû y avoir 42 prévenus mais Christian Ossowsky, bon coureur amateur, est décédé à 50 ans, le 31 janvier 2000. Aucune autopsie n'a été pratiquée après son décès.