Les Jeux de Sydney sont d'ores et déjà secoués par les affaires de dopage



A quelques jours de la cérémonie d'ouverture, certains pays ont été contraints de retirer des athlètes de la liste des engagés pour cause de contrôles anti-dopage douteux. L'offensive des autorités olympiques contre l'érythropoïétine (EPO), entre autres, porte ses premiers fruits.


JOHN HOWARD, le premier ministre australien, n'a pas encore déclaré ouvert les jeux de la XXVIIe olympiade qu'une course a déjà démarré : celle aux produits illicites. Dès le samedi 2 septembre, treize jours avant le coup d'envoi, les médecins inspecteurs de l'antidopage mandatés par le Comité international olympique (CIO) entraient en action. Jeudi 7 septembre, à huit jours de la cérémonie d'ouverture, le docteur Patrick Schamasch, directeur de la commission médicale du CIO relevait : « Nous avons effectué vingt contrôles concernant l'érythropoïétine et quarante contrôles urinaires entrant dans le cadre des contrôles inopinés hors compétition. » C'est une première dans l'histoire des JO de l'ère moderne entamée en 1896 à Athènes ; aux contrôles traditionnels menés dans la foulée des épreuves s'ajoutent désormais des opérations inopinées auxquelles les athlètes sont obligés de se soumettre.

D'ores et déjà, ce dispositif inédit de lutte antidopage semble avoir porté quelques fruits. Mardi 5 septembre, le Comité olympique chinois annonçait qu'il révisait à la baisse la composition de sa délégation. Pour cause de « mauvaise forme ou de problèmes lors de prises de sang », 27 des 310 athlètes de la République populaire sélectionnés pour ces JO, dont les fameuses coureuses de fond Li Jingnan, Lan Lixin, Dai Yanyan et Dong Yanmei, ont été priés de rester à la maison. « Pour protéger leur santé et défendre le principe d'une juste compétition, ils ne se rendront pas à Sydney », affirmait un porte-parole des autorités chinoises. Comme pour ne pas être en reste face à sa grande rivale, le même jour, Taïwan excluait de sa délégation l'haltérophile féminin Wu Mei-Yi, après avoir procédé à celle de Chen Jui-Lan, championne du monde de la spécialité à Athènes en 1999. Des traces d'anabolisant ont été décelées dans les urines des deux femmes.

Le lendemain, à quelques milliers de kilomètres de là, le cavalier canadien Eric Lamaze apprenait, à Ottawa, qu'il ne ferait pas le voyage de Sydney pour cause de dopage. A l'instar de sa compatriote, la lanceuse de marteau Robin Lyons, il fait l'objet d'une suspension à la suite d'un contrôle positif à la cocaïne.

Toujours au même chapitre, le coureur italien Andrea Collinelli, champion olympique de poursuite à Atlanta, en 1996, contrôlé positif à la lidocaïne à la mi-juillet lors des championnats d'Italie, s'est vu confirmer son exclusion de la sélection nationale par le Comité olympique national italien (CONI) en même temps que sa mise en examen pour « détention de substances interdites ». Enfin, jeudi, la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) a condamné deux athlètes hongrois, Gabor Dobos et Judit Szekeres, à deux années de suspension au motif de dopage.

Sanctions, exclusions préalables, avertissements, menaces : jamais dans l'histoire olympique le dopage n'avait à ce point mobilisé les attentions. Signe des temps. Deux ans après le scandale Festina, la tempête qui secoue le cyclisme n'en finit pas de souffler, balayant sur son passage de nombreuses disciplines.

MÉTHODES COMPLÉMENTAIRES
A tel point qu'à l'issue des championnats du monde d'athlétisme disputés à Séville au mois d'août 1999, le CIO a décidé de consacrer 2 millions de dollars pour financer la recherche d'un test de dépistage de l'EPO. Quatorze projets lui sont parvenus, dont certains concernaient également le dépistage des hormones de croissance. Il a fallu attendre le 1er août 2000 pour que sa commission scientifique valide la méthode mise en oeuvre par l'équipe du laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD) français. Celle-ci, expérimenté à titre conservatoire à l'occasion du Tour de France, ne vise que l'EPO injectée trois jours avant le prélèvement d'urine.

C'est de Lausanne, le 29 août, où elle se réunissait dans la perspective des JO, que la commission exécutive du CIO avait précisé le dispositif aujourd'hui en place à Sydney, en matière de lutte contre le dopage. Au total, 3 200 tests sont prévus au programme de ces Jeux, dont 2 000 en compétition. En 1996 à Atlanta, 1 923 contrôles avaient été effectués, révélant deux cas positifs. Quatre ans plus tard, aux dépistages traditionnels des substances interdites que dévoilent les échantillons d'urine, le CIO a rajouté les contrôles sanguins grâce auxquels le laboratoire de Sydney met en évidence des indices de prises éventuelles d'EPO, lesquelles peuvent désormais être avérées dans les urines par le test du laboratoire français de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine). 400 analyses de dépistage d'EPO ont été inscrites à ce programme. Conduite par Françoise Lasne, la biologiste de Châtenay auteur de la méthode française, une équipe de trois techniciens français s'est installée à Sydney pour la durée des JO afin d'assister les Australiens dans cette opération.

Yves Bordenave


Hormones de croissance : un chercheur accuse le CIO Si le dépistage de l'érythropoïétine (EPO) est désormais à l'ordre du jour, d'autres substances, également répandues, restent encore indécelables. Les hormones de croissance (GHF) et l'insuline synthétique de croissance (IGF) échappent ainsi aux contrôles, tant urinaires que sanguins. Pourtant, selon Peter Sonkssen, endocrinologue à l'hôpital Saint-Thomas de Londres, un test visant à révéler la présence d'hormones de croissance « aurait pu être mis en place pour Sydney ». En mars 1999, un groupe de scientifiques anglais a présenté un projet de dépistage dans le sang qui fut déclaré recevable par une commission d'experts. Mais, toujours selon Peter Sonkssen, les recherches n'ont pu aboutir faute des moyens que lui aurait refusés le Comité international olympique (CIO).

Le Monde daté du dimanche 10 septembre 2000