Nombre de prescriptions médicales valident l'usage de corticoïdes, de salbutamol et de ventoline



Des coureurs traiteraient des pathologies chroniques

Depuis le 1er juillet, date du départ de ce 87e Tour de France, le Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD) de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine) a contrôlé 60 échantillons d'urine. Au matin du 18 juillet, tandis que le peloton devait s'élancer de Courchevel en direction de Morzine pour la 16e étape de l'épreuve, aucun test pratiqué n'avait officiellement révélé la présence de substances illicites.

C'est en tout cas ce qu'affirme l'Union cycliste internationale (UCI), relayée par Jacques de Ceaurriz, directeur du laboratoire. « Je ne devrais pas livrer ce genre d'informations, a-t-il déclaré au Monde lundi 17 juillet au matin, mais non, il n'y a pas eu de contrôles positifs. »

Pas de contrôle positif donc, mais « des traces de corticoïdes, de salbutamol et de ventoline ont été identifiées sur une quantité non négligeable d'échantillons », a précisé Jacques de Ceaurriz. Tous ces produits, inscrits sur les listes des substances interdites à la consommation chez les sportifs, peuvent bénéficier d'une dérogation pour raison thérapeutique. Celle-ci doit préalablement être signalée aux instances et figurer dans un livret de santé fourni par l'UCI en début de saison.

Pour l'heure aucun chiffre n'a été donné, mais plusieurs sources attestent qu'un nombre important de coureurs engagés sur le Tour disposeraient de prescriptions médicales visant les corticoïdes, le salbutamol et la ventoline. A tel point que, lors de la visite médicale obligatoire précédant le départ de l'épreuve, le médecin de l'UCI a eu cette réflexion à l'endroit d'un coureur de La Française des Jeux qui ne lui fournissait aucune ordonnance justifiant la prise de médicaments proscrits : « Vous êtes l'un des rares à n'afficher aucune maladie. »

Complaisances coupables, vrais-faux certificats ? Le nombre d'athlètes atteints de pathologies chroniques devrait en tout cas alerter les autorités sanitaires. « S'agissant des corticoïdes, nous ne sommes pas en mesure de faire la part entre les usages à objet réellement thérapeutique et les autres », concède Jacques de Ceaurriz.

Reste que, pour la première fois dans l'histoire de la lutte antidopage, la présence éventuelle de corticoïdes est systématiquement recherchée à l'occasion d'une épreuve. Les échantillons d'urine analysés sont prélevés chaque soir à l'arrivée de l'étape sur 4 coureurs : le porteur du maillot jaune, le vainqueur de l'étape et deux autres tirés au sort. Une fois recueilli, l'échantillon est versé dans deux flacons, A et B, puis expédié par avion spécial vers le laboratoire. Dès réception, les biologistes de Châtenay procèdent aux analyses sur le flacon A : en plus des corticoïdes, ils explorent la présence éventuelle des traces d'anabolisants et d'amphétamines.

C'est le reliquat de ce flacon qui est ensuite congelé en attente de la validation du test de l'érythropoéïtine (EPO), envisagé dans les trois ou quatre mois à venir. Le flacon B est lui aussi congelé, mais il ne sert qu'en cas de contre-expertise. « En ce qui concerne le test EPO, nous attendons une deuxième réponse du Comité international olympique à la fin du mois de juillet. Une équipe du laboratoire de Barcelone est restée une semaine avec nous début juillet afin d'apprendre à dupliquer notre méthode, et, cette semaine, c'est le tour d'une équipe du laboratoire australien », souligne Jacques de Ceaurriz.

Le fait qu'un seul laboratoire dans le monde serait en mesure de mettre en oeuvre cette méthode avait pesé dans la décision de l'ajourner. C'est donc sur cet aspect que les chercheurs français concentrent désormais leurs efforts. « Une fois ce travail terminé, nous allons nous réunir à Lausanne avec le CIO, afin d'élaborer une stratégie en vue des Jeux olympiques de Sydney, explique Jacques de Ceaurriz. Je pense qu'après les Jeux les instances sportives devraient adopter une mesure définitive concernant le test EPO. Et d'ici à 2001 nous aurons transféré notre technique à tous les laboratoires accrédités. »

Yves Bordenave


La présence de PFC détectable dans le sang
L'EPO n'est pas le seul produit utilisé pour favoriser l'oxygénation du sang. Depuis quelques années le perfluorocarbone (PFC) a fait son apparition. En mai 1998, l'Union cycliste internationale (UCI) avait alerté les directeurs sportifs des équipes du risque grave qu'encouraient ceux qui usaient de cette substance. A cette époque, le coureur suisse de la Française des jeux, Mauro Gianetti, avait été victime d'un empoisonnement au PFC qui avait failli lui coûter la vie ( Le Monde du 8 octobre 1998). Depuis, l'institut médico-légal de Lausanne (Suisse) a mis au point une méthode de détection du PFC dans le sang. Cette méthode est expérimentée en grandeur nature, durant le 87e Tour de France. Tous les échantillons prélevés lors des contrôles sanguins, notamment celui au Futuroscope, qui concernait les 180 engagés, devraient faire l'objet d'une recherche de cette substance.

Le Monde daté du mercredi 19 juillet 2000