AFFAIRE FESTINA


Festina dans la tempête

De l'E.P.O dans la voiture

FESTINA en garde à vue

Le médecin parle

Un dopage organisé




FESTINA dans la tempête

DUBLIN, 11 juillet (AFP) - L'équipe Festina se retrouve prise samedi dans la tempête après la découverte dans une des voitures partant pour le Tour de France d'un stock de produits dopants. Avant le départ du prologue du Tour dans l'après-midi, dont plusieurs de ses coureurs (Zulle et Virenque) sont favoris, l'équipe française est dèjà accablée par cette affaire en cascade qui a provoqué l'ouverture d'une information judiciaire.
Un de ses soigneurs a été intercepté jeudi à la frontière franco-belge en possession de produits interdits et a été placé en garde à vue. Une perquisition a eu lieu également à Lyon au siège de l'équipe Festina et les policiers auraient découvert des "produits suspects en cours d'analyse", selon une source bien informée.
A Dublin, le directeur sportif du groupe, Bruno Roussel, n'a pas voulu réagir à cette nouvelle. "Laissez la justice faire son travail !", a-t-il seulement dit en ajoutant qu'il était hors de question pour son équipe de faire d'autres déclarations. En revanche, le Tour de France, par la voix de son directeur Jean-Marie Leblanc, a pris position sur cette affaire en se montrant prudent. "Sachons garder notre calme et laissons l'affaire suivre son cours", a-t-il annoncé tout en affirmant : "Quand l'enquête sera achevée, nous saurons réagir." Il a insisté sur la volonté du Tour de lutter contre le dopage et a rappelé qu'il avais mis en garde les directeurs sportifs sur "leurs responsabilités vis-à-vis de leurs coureurs et aussi de leurs personnels". Jean-Marie Leblanc a refusé d'envisager la possible exclusion de l'équipe Festina. "Tant que l'affaire n'aura pas suivi son cours jusqu'au bout, il n'est pas envisageable pour une action frauduleuse, peut-être isolée qui sait, de priver toute une équipe et surtout ses coureurs d'une participation au Tour de France. Ce serait une énorme injustice", a déclaré le directeur de l'épreuve.




De l'E.P.O dans la voiture

L'inventaire de la voiture aux couleurs de l'équipe Festina et du Tour de France, interceptée jeudi sur une petite route près de Neuville-en-Ferrain, à la frontière Franco-belge, par les douanes françaises, a révélé la présence de plus de 400 flacons, gélules et capsules de produits dopants achetés en allemagne et en Suisse, a-t-on appris samedi à Paris de source bien informée. Le conducteur transportait l'équivalent de 250 doses d'EPO, une hormone qui facilite le transport d'oxygène dans le sang, plus d'une centaine de doses de produits anabolisants, et des flacons de produits non encore identifiés, ainsi que tout le matériel pour leur administration, des seringues et solutés pour injections, a-t-on appris de même source.
Les enquêteurs auraient d'autre part reconstitué l'itinéraire du conducteur, qui serait parti de Lyon vers la Suisse, puis l'Allemagne, où il a acheté les produits, avant de se diriger, via la Belgique, vers Calais pour rejoindre l'Angleterre, puis l'Irlande.
Une information judiciaire a été ouverte en fin de semaine par le parquet de Lille (Nord) et un juge d'instruction a été chargé du dossier. Aucune précision ne pouvait être obtenue samedi matin sur l'intitulé de cette information judiciaire et la date exacte de son ouverture. Les enquêteurs n'ont pas révélé l'identité du soigneur. Il s'agirait toutefois du belge Willy Voet, selon la précision donnée par le directeur du Tour au cours de son point-presse.



FESTINA en garde à vue
Article paru dans "l'équipe" du 16 07 98.

C'est l'escalade dans l'affaire du stock de produits dopants saisis avant le départ du tour dans une voiture Festina. Bruno Roussel, le directeur sportif, et Eric Ryckaert, le médecin de l'équipe, ont été interpellés et placés hier soir en garde à vue au commissariat de Cholet. Maintenant, la justice veut aller vite.


Voilà, c'est fait. L'abcès est percé. Le voeu de Bruno Roussel, directeur sportif du groupe Festina, qui souhaitait être entendu par la police, a été exaucé et peu-être au-delà de ce qu'il espérait. Le 16 juillet 1998, le SRPJ de Lille ainsi que des policiers rattachés directement au ministère de l'intérieur, l'ont accosté et amené aussitôt après la ligne d'arrivée. Les présentations ont été vite faites. "Vous êtes placé en garde à vue dans l'affaire Festina. Si vous désirez, vous avez droit à un coup de téléphone avant de nous suivre. Vous pourrez appeler votre avocat au bout de 73 heures."
Tout ce qui se murmurait à propos de cette affaire qui empoisonnait le Tour bien avant le départ de Dublin, a pris hier une nouvelle tournure. A la fois logique, puisque Roussel n'arrêtait pas de dire qu'il s'attendait à être entendu, et brutale, puisque trois heures et demie plus tard, c'était au tour du médecin de l'équipe, Eric Ryckaert, d'être conduit au commissariat après avoir lui aussi été longuement entendu.
Le malaise saute aux yeux et peu à peu l'angoisse se glisse partout dans les conversations. Michel Gros, le deuxième directeur sportif, explique qu'il a téléphoné et joint Miguel Moreno, à Toléde, afin qu'il saute dans le premier avion et vienne pallier le départ de Bruno Roussel.
Michel Gros, le directeur sportif adjoint, a la gorge serrée. Il dit simplement : "J'ai assisté aujourd'hui à de drôles de manoeuvres. Il paraîtrait que les directeurs sportifs, sur les conseils de l'un d'entre eux qui a passé toutes les voitures en revue pendant la course, voudraient que l'on quitte le tour. Ils n'y arriveront pas On a le droit français pour nous. Maintenant, on sait qui est qui."
L'adjoint de Roussel vise Roger Legeay, le manager des Gan, et finit par le montrer du doigt : "Ce qu'il vient de dire à la télévision est inadmissible."

Un peu plus tôt en effet, Roger Legeay est intervenu sur l'antenne de France 2 : "Dans un cas aussi grave de trafic de drogue, encore faudrait-il que tout ça soit avéré, je reviendrai plutôt Jean-Marie Leblanc et le président du jury. Mais notre position, nous autres groupes sportifs, après avoir discuté avec beaucoup de directeurs sportifs, c'est qu'il n'est pas question de faire trois semaines de Tour de France comme cela. Le Tour de France est une fête et la fête est gachée. Nous on souhaite très vite que la partie juridique intervienne et que des décisions soient prises. Et les directeurs sportifs à ce niveau-là, en appellent à la conscience de l'équipe Festina..."



Le médecin parle

Juste avant d'être entendu par la police judiciaire à son hôtel puis placé en garde à vue, Erik Ryckaert a accepté de parler aux journalistes de "l'équipe". Il evoque ici l'affaire qui frappe l'équipe Festina et toutes les accusations qui le touchent directement.
Inquiet des conséquences de l'affaire d'un des soigneurs arrêté à la frontière franco-belge, le médecin Belge de Richard Virenque et de ses coéquipiers se défend de pratiques illicites de dopage.

- Dans quel état êtes-vous depuis que cette affaire a éclaté ?
Je suis brisé. C'est ma femme qui essaye de me remonter le moral au téléphone depuis le Belgique où elle suit aussi les événements. Elle me raconte que dans les journaux Belges, il n'y a que des photos où on me voit à côté de Willy ( le soigneur arrêté la semaine dernière ) qui sont publiées. Le lien entre le médecin d'une équipe et l'un des soigneurs est évidemment vite fait. Ma femme me connaît et elle sait que tout ce qu'on raconte sur moi ne sont que de graves mensonges.
- Votre position aujourd'hui est pourtant délicate en tant que médecin d'une équipe montrée du doigt dans une affaire de dopage ?
J'ai toujours expliqué ma position sur ce sujet et je l'ai répété à des journalistes belges récemment. Je suis contre le dopage. Ca, je crois que c'est clair. En revanche ce que beaucoup ne veulent pas comprendre, c'est les questions qu'on peut se poser sur le définition de dopage. Pour moi, en tant que médecin, je veux savoir où se termine le traitement médical et où commence le dopage. J'aurais voulu que les médecins sportifs se réunissent enfin pour discuter de ce thème essentiel et trouver des solutions.
- Mais cette vision personnelle du problème peut se retourner contre vous.
En aucun cas. Depuis quand le fait de poser les vraies questions vous implique et vous mouille dans le dopage. Je n'ai jamais dit que j'étais pour le dopage car je ne l'ai jamais pensé un instant. Il faut être clair d'un point de vue éthique et expliquer quand cela devient effectivement dangereux. Cette réflexion ne doit pas s'arrêter à de simples constats qui permettraient de dire que le dopage peut être une bonne chose ou que l'EPO est une faute. Il faut désormais aller plus loin.
- Mais cet hiver vous avez dèjà été inquiété pour une affaire similaire à celle qui vient d'arriver au soigneur de Festina.
Cela fait neuf mois que la police judiciaire est venue à mon cabinet près de Gand pour perquisitionner mon ordinateur, et non pas des produits comme il a été raconté partout. Tout a commencé par des accusations d'un pharmacien belge qui a déclaré que je lui avais acheté des quantités d'EPO. Si jamais ça avait été le cas, je ne crois pas que j'aurais été laissé en liberté jusqu'ici.
- C'est à ce moment-là qu'on a aussi raconté vos antécédents chez PDM, tristement célèbre depuis le tour 1991 lorsque tous les coureurs avaient dû abandonner à Quimper, empoisonnés par des produits interdits et de surcroît périmés.
Qu'on arrête de raconter n'importe qoui. Si ça arrange certains de m'identifier à PDM, il faut aussi connaître la vérité. Cette affaire a eu lieu en juillet 1991, moi j'étais à cette époque là chez Tulip. C'est en mai 1992 que Jan Gisbers m'a appelé chez PDM. J'ai fait la fin de saison avec eux. Ce sont les faits tout simples, mais qui sont loin des mensonges qu'on peut raconter. Demandez à Erik Breukink ou à Sean Kelly si j'étais le médecin de PDM en 1991, ils vous le diront eux. Durant ce tour là, c'est le docteur Sanders que je n'ai jamais connu, qui était le médecin officiel de l'équipe. Vous savez, la consigne alors chez PDM était simple, il fallait finir le contrat avec le sponsor sans plus la moindre histoire. Tout devait être le plus clean possible même s'il ne fallait gagner plus aucune course.
- Mais le cas positif de Christophe Moreau aux anabolisants a dû aussi vous mettre sur la sellette ?
Jamais de ma vie, et je le jure sur la tête de mes enfants, je n'ai pratiqué la moindre injection d'anabolisants à quiconque. Je ne vois pas à quoi cela peut servir à partir du moment où ça reste dans le sang pendant des mois. Chez nous, il y a eu effectivement un cas positif aux anabolisants mais ça n'a rien à voir avec une injection, les spécialistes vous le diront. Vous savez, n'importe qui peut se procurer ces produits sans en parler au médecin.
- Dans cette affaire, auriez-vous pu être doublé par quelqu'un d'autre ?
Je n'en sais strictement rien. Je constate seulement que les coïncidences sont faciles, car elles sont tout simplement provoquées. A partir du moment où on apprend qu'il y a une perquisition chez Festina, alors c'est obligatoirement de la faute de cet ancien médecin de PDM aujourd'hui sans savoir que j'y étais seulement après l'affaire du tour 91. Mais ça personne ne veut l'entendre.
- Vous avez eu connaissance des produits perquisitionnés au service course près de Lyon ?
Bruno Roussel me l'a présenté en effet dès qu'il l'a eu en sa possession et tout de suite je l'ai rassuré ; il n'y avait rien qui aurait pu provoquer un contrôle positif. Mais la quantité qui a été trouvé dans la voiture du soigneur ne pouvait pas être pour le seule équipe Festina, si jamais elle y était destinée. C'est impossible, ça correspondait certainement à cinq ou six équipes.
- Certains de vos collègues, dans le cyclisme notamment, sont payés en fonction des victoires de leurs coureurs. Comment ne pas être tenté ?
A partir où ils touchent plus un pourcentage sur les résultats, il ne sont plus médecins.
- Le fait d'être entendu par la police judiciaire en plein tour de france, vous inquiète-t-il ?
Je n'ai pas peur car je n'ai rien à me reprocher. Peut être qu'on va me laisser en prison comme notre soigneur, mais je suis assez fort pour résister.



Un dopage organisé

Bruno Roussel et Erik Ryckhaert, le directeur sportif et le médecin de Festina mis en examen et écroués hier à Lille, ont reconnu l'existence d'un dopage organisé au sein de leur équipe cycliste, notamment pendant le Tour de France.
Dans une déclaration lue à la presse par l'un des avocats, Bruno Roussel précise que cette pratique, contrôlée médicalement, avait pour objet d'éviter "l'approvisionnement personnel, sauvage" des coureurs. "M.Bruno Roussel a expliqué aux enquêteurs, lesquels avaient des éléments, les conditions dans lesquelles une gestion concertée de l'approvisionnement des coureurs en produits dopants était organisée entre la direction, les médecins, les soigneurs et les coureurs", a rapporté l'avocat qui donnait lecture de la déclaration. "L'objectif était d'optimiser les performances, sous strict contrôle médical, afin d'éviter l'approvisionnement personnel, sauvage des coureurs, dans des conditions susceptibles de porter gravement atteinte à leur santé".
Bruno Roussel et Erik Ryckhaert devront notamment répondre "d'importation en contrebande et circulation irrégulière de marchandises prohibées" ainsi que de "transport, détention, emploi de produits stupéfiants, administration, incitation à l'usage, facilitation à l'emploi de substances ou procédés dopants, à l'occasion de compétitions ou manifestations sportives."

"Compte tenu des charges recueillies, le juge d'instruction a ordonné le placement en détention provisoire de ces deux personnes", a précisé Jean-Philippe Joubert, procureur adjoint de Lille, lors d'un point de presse.

Le magistrat a précisé que les deux hommes ne seraient entendus sur le fond qu'à la fin du Tour de France, qui s'achève le 2 août à Paris.

L'affaire a débuté avec l'interpellation, le 8 juillet, du masseur de Festina, Willy Voet, à la frontière franco-belge, en possession de produits dopants.

Le soigneur aurait affirmé au juge avoir "joué un rôle de taxi" depuis 1996 en acheminant régulièrement des stupéfiants dans des sacs isothermes, entre le siège sportif de Festina, à Meyzieu, dans le Rhône, et les lieux où se déroulaient les courses cyclistes.

Ces propos ont été confortés par une autre affaire en cours d'instruction en Belgique. Un pharmacien de la région de Gand soutient en effet qu'Erik Ryckaert lui a proposé d'acquérir de l'EPO, cette hormone de synthèse non détectable aux contrôles.




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