L'Europe sonne la charge



A l'initiative de Marie-George Buffet, la ministre française des sports, les nations européennes vont faire entendre d'une seule voix, à Lausanne, leur volonté de lutter contre le dopage. Seront-elles suivies ?


Le signal est venu de Pörtschach, en octobre. Devant les quatorze autres chefs d'Etat européens, Jacques Chirac, président de la République, a saisi au bond un développement sur les questions de subsidiarité pour ouvrir une brèche à la lutte antidopage. "Une loi est nécessaire, a-t-il proclamé. Il est évident que la lutte contre ce fléau ne peut se faire qu'au niveau européen et même mondial, en réalité. L'harmonisation des législations européennes est une nécessité. Nous avons décidé d'en reparler au sommet de Vienne au mois de décembre."
Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, qui luttait depuis juin pour obtenir une réunion des quinze ministres des sports ou assimilés sur la question, tenait son coup de pouce. Une conclusion en ce sens de la présidence européenne à Vienne, le 12 décembre, et, le 18 janvier, pouvait se tenir à Bonn une première rencontre, informelle, qi devait accoucher d'un communiqué commun. "ça n'a peut-être l'air de rien, mais on a passé une étape historique. On va pouvoir travailler", se réjouit la ministre dans les nouveaux bureaux de la rue Olivier-de-serres.
L'enthousiasme aussi est tout neuf. M. Samaranch s'était-il montré condescendant dans ces colonnes en déclarant : "Mme Buffet est-elle bien sûre que le reste de l'Europe va suivre ? " qu'un éclat de rire balaie la restriction : "Eh bien, il a vu ! " Déjà, Marie-George Buffet prépare les dix minutes d'intervention que le CIO lui a accordées, ainsi qu'à ses collègues, lors de la conférence de Lausanne des 2, 3 et 4 février.
"Nous espérons une complémentarité en le CIO et l'action des Etats. Il faudrait que le mouvement sportif prenne des décisions concernant l'harmonisation des règlements et des sanctions, pour présenter un front plus cohérent. Mais il faudra aussi parler des causes du dopage, du rythme des compétitions, de la pression des enjeux financiers." Des sujets qui peuvent fâcher. Mais la ministre n'en démord pas : "Il faudra bien arrêter l'engrenage. On peut soigner les plaies, mais le mieux serait d'éviter l'accident."
L'Europe, elle en est convaincue, fera le maximum. "Le sport était absent de la construction européenne, admet-elle, sauf devant les tribunaux de la concurrence. Mais les opinions sont désormais mobilisées. Personne ne traîne les pieds. La commission européenne vient d'ailleurs de nommer un responsable des questions sportives, M. Oreja."
Des avancées sont possibles rapidement sur "la lutte contre les pourvoyeurs, avec les cellules de coopération policières et judiciaires, ou la mise en commun de l'effort de recherche", même si le versant législatif s'annonce ardu. Pour l'instant, nous restons les seuls à posséder une loi, rapelle la ministre. L'Italie veut en bâtir une, l'Espagne aussi. Mais les découpages politiques sont très différents. En Allemagne, la lutte antidopage est du ressort du ministre de l'intérieur, en Angleterre elle est du ressort de celui de la santé." Le but est moins d'unifier les textes législatifs que de définir un objectif commun pour construire des réponses nationales. "Mais l'outil législatif est nécessaire, insiste Mme Buffet. Quand une loi est votée, vous êtes bien obligé de créer les structures qu'elle recommande et de débloquer des crédits..."
La conférence officielle des quinze à Parderborn, en Allemagne, du 31 mai au 2 juin, sera une première très surveillée.
Marie-George Buffet y croit. Plus par volonté que par raison, sans doute. "En France, nous avons les crédits pour suivre médicalement six à sept cent sportifs de haut niveau. Il faudrait pouvoir en suivre trois mille au minimum ", reconnaît-elle. Lucide sur la possibilité de faire pression sur le CIO, la ministre reste décidée à "aller de l'avant". Et à s'attaquer à d'autres montagnes. "Le poids de l'Europe ne suffira pas. Il faut faire bouger les autres blocs, l'Amérique et l'Asie. Seul le CIO dispose des armes nécessaires : l'interdiction de participer à des compétitions ou de les organiser en cas de non-respect de directives antidopage." Bill Clinton enverra un de ses conseillers écouter à Lausanne la voix de l'Europe. Mais, à l'heure du satellite, il n'est pas certain que la communication passe très bien...


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