L'Union cycliste internationale invalide le test de dépistage de l'érythropoïétine




Deux des trois experts désignés par l'Union cycliste internationale ont jugé, jeudi 22 juin, que le test de dépistage de l'érytropoïétine (EPO) élaboré par le laboratoire français de Châtenay-Malabry ne présentait pas toute la fiabilité scientifique nécessaire.


« C'est une nouvelle catastrophique. Les coureurs sont effondrés. » Jeudi 22 juin, au service course de la formation cycliste La Française des jeux, l'ambiance était pour le moins morose. Il était un peu plus de 18 heures et la « nouvelle catastrophique » venait de tomber : « L'Union cycliste internationale a décidé de ne pas valider le test de dépistage d'érythropoïétine dans l'immédiat. » Contrairement à ce que la plupart des protagonistes du cyclisme espéraient, l'EPO ne sera donc pas recherchée lors des contrôles antidopage effectués durant le Tour de France, qui s'élance le 1er juillet du Futuroscope, près de Poitiers (Vienne).
Les réactions n'ont pas tardé. Celle de Marie-Georges Buffet, ministre des sports, est de loin la plus virulente. La ministre a regretté que « les procédures convenues n'aient pas été totalement respectées » par les experts et s'est étonnée qu'au dernier moment, « de nouvelles exigences (aient pu être) formulées ». Toutefois, Marie-George Buffet souhaite que ce « retard ne remettra pas en cause la mise en ouvre d'un objectif partagé par toutes les institutions concernées ». A neuf jours du départ de la Grande Boucle, les organisateurs de l'épreuve et les groupes professionnels doivent faire face à un désappointement d'autant plus important qu'ils avaient manifesté un réel enthousiasme à l'annonce, il y a maintenant près d'un mois, de la possibilité de détecter l'EPO dans les urines.
« J'éprouve une grande déception, a confié au Monde Jean-Marie Leblanc, le directeur du Tour de France. Le 25 mai je participais à la réunion de Genève, où Jacques de Ceaurriz et Françoise Lasne, les deux chercheurs du laboratoire de Châtenay-Malabry, nous ont présenté leur découverte. Je voulais y croire. Lorsque, le 8 juin, la revue Nature a publié le résultat de cette recherche, j'ai pensé que c'était gagné. » Même réaction chez Yvon Sanquer, le directeur sportif de l'équipe Festina, actuel président de la Ligue professionnelle. Lui aussi était du rendez-vous de Genève. Lui aussi était convaincu que les choses évolueraient très vite. « Nous attendions beaucoup de la mise en place de ces tests, a-t-il déclaré au Monde. La décision de ne pas l'avaliser immédiatement est très regrettable. Mais je ne suis pas compétent pour la commenter. Nous allons nous adresser au ministère des sports et à l'UCI afin d'obtenir des explications. »
De son côté, Daniel Baal, le président de la Fédération française de cyclisme (FFC), s'est montré plus circonspect. « On a voulu aller trop vite, a-t-il déclaré. Les experts ont parfaitement fait leur travail. La validation devait intervenir à 100 % de certitudes. Aujourd'hui le cyclisme est dans une situation difficile, compte tenu que la pire des choses, c'est de voir ses espoirs déçus. » En fait, deux experts parmi les trois désignés par le Comité international olympique (CIO) ont estimé que « d'autres aspects doivent être examinés avant la validation totale ». Tout en reconnaissant la valeur du travail réalisé par le laboratoire français de dépistage, le docteur espagnol Jordi Segura et son homologue norvégien Peter Hemmerbach ont émis des réserves qui devaient être publiées vendredi 23 juin dans un rapport. Le processus de vérification exceptionnel mis en place à la fin du mois de mai reposait sur trois exigences : la publication scientifique dans une revue de renom, un essai sur 220 échantillons traités en aveugle et l'approbation finale par la commission d'experts. C'est sur cet ultime obstacle que les biologistes de Châtenay-Malabry (Haust-de-Seine) ont trébuché. « On ne peut pas prendre le moindre risque de déclarer des faux positifs, a souligné Hein Verbruggen, le président de l'Union cycliste internationale (UCI). Mais on a encore huit jours avant le départ du Tour. J'ai encore un espoir. »
Reste que ce désaveu rince une fois de plus l'ardeur des partisans d'une accélération de la lutte contre le dopage. Même si, à l'instar de Jean-Marie Leblanc, certains veulent encore voir « une lueur d'espoir », cette déconvenue apparaît comme un camouflet de plus infligé aux autorités françaises, de loin les plus engagées dans ce combat. Lundi 19 juin, une rencontre s'est déroulée au ministère de la jeunesse et des sports à Paris. Elle réunissait des représentants de l'UCI et de la direction des sports. Un seul point figurait à l'ordre du jour : les conditions de contrôle antidopage lors du Tour de France 2000. Rien d'officiel n'a transpiré de ce conciliabule. Toutefois, jeudi, un proche de la ministre des sports, indiquait : « Je crois que l'UCI ne manifeste pas encore suffisamment de fermeté pour en finir avec ce fléau. »

Yves Bordenave