Une technique de détection de l'EPO expérimentée par le laboratoire national antidopage français



Des analyses d'urine permettraient la preuve d'un apport exogène


A quelques mois des Jeux olympiques de Sydney (Australie), les spécialistes français du Laboratoire national antidopage de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine) s'apprêtent à tester à grande échelle, en collaboration avec les autorités australiennes, l'efficacité d'un protocole de recherche de l'érythropoïétine (EPO) exogène, cette substance utilisée dans les sports réclamant un effort prolongé.

LA PRISE d'érythropoïétine (EPO) est désormais détectable dans les urines. Techniquement, plus aucun obstacle ne résiste à l'identification précise d'un apport exogène de la molécule dans l'organisme d'un individu. C'est en tout cas ce qu'affirment Jacques de Ceaurriz, directeur du Laboratoire national antidopage de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), et Françoise Lanne, l'une de ses collaboratrices, qui, depuis cinq ans, travaille sur ce sujet. « La présence d'EPO dans l'urine est facile à déceler. La difficulté réside dans la différenciation entre les molécules endogènes et les molécules exogènes, explique cette dernière. Nous avons développé une technique qui l'établit et réalisé un test qui permet d'obtenir la preuve tangible d'une prise éventuelle d'EPO. »

Tout semble donc fin prêt pour une introduction prochaine de cette nouveauté dans la panoplie des contrôles antidopage. Ne reste qu'une ultime épreuve : celle de la validation sur des sujets humains de la méthode inventée par l'équipe de Châtenay-Malabry. Celle-ci est actuellement en cours et se déroule conjointement à la recherche menée par une équipe australienne du laboratoire de Sydney. « Eux travaillent sur la mise au jour de paramètres sanguins qui induisent une forte probabilité de prise d'EPO. Nos deux études sont complémentaires, car elles permettent de corréler nos constatations », indique Jacques de Ceaurriz.

UNE PHASE DÉCISIVE Des équipes norvégienne et canadienne se sont également jointes aux efforts déployés par les deux laboratoires et les quatre ont déposé un projet auprès du Comité international olympique (CIO) qui englobe la totalité des travaux. Des athlètes « témoins » volontaires, originaires d'ethnies différentes, de continents et de régions multiples - mer, montagne, plaine -, confrontés à des exigences physiques dissemblables, ont subi des examens afin de mesurer la variabilité de production endogène d'EPO. Cette banque de données constitue autant de références sur lesquelles s'appuient les recherches. Ces dernières entrent maintenant dans une phase décisive avec l'expérimentation auprès d'athlètes volontaires dont une partie aura suivi une cure d'EPO à raison de 50 unités par kilogramme et de trois injections étalées sur une semaine, et une autre partie qui n'aura rien pris. Cette phase se déroulera dans les semaines à venir en Australie.

« Compte tenu de l'absence d'enjeu thérapeutique, il aurait été trop compliqué de l'organiser en France, en raison de la législation sur l'utilisation des hommes dans ce genre d'expériences », souligne Jacques de Ceaurriz. Une fois les prélèvements d'urine nécessaires à la démonstration effectués, les échantillons seront envoyés au laboratoire de Châtenay-Malabry, qui devra dépouiller les résultats, après avoir procédé aux analyses. A l'issue de cette opération - et, bien évidemment, en cas de succès -, une commission d'experts convoquée par le CIO décidera s'il faut ou non retenir cette méthode pour rechercher la provenance de l'EPO mise en évidence lors des contrôles antidopage. En cas de réponse positive, elle sera rendue publique afin que les laboratoires accrédités puissent en faire usage. Pourra-t-elle entrer en vigueur dès les Jeux olympiques de Sydney ? « Le consortium scientifique ne s'est jamais avancé là- dessus », précise Jacques de Ceaurriz. La totalité de cette recherche, d'un coût de 12 millions de francs, est financée pour une moitié par le CIO et pour l'autre par l'Australie. Elle présente toutefois une limite : quatre ou cinq jours après une prise, les traces disparaissent des urines.


Yves Bordenave
Le Monde daté du mardi 7 mars 2000