Le dépistage du dopage par EPO serait mis en oeuvre lors des Jeux olympiques de Sydney



Deux techniques, une française et une australienne, seraient utilisées

UNE ÉTAPE, sans doute décisive, a été franchie mardi 1er août dans le processus qui devrait mener au dépistage du dopage à l'érythropoïétine (EPO) lors des prochains Jeux Olympiques de Sydney : au terme d'une rencontre de deux jours, les experts scientifiques mandatés par le Comité international olympique (CIO) réunis à Lausanne (Suisse), ont validé les tests de dépistage australien et français. Ces tests devraient être utilisés de manière conjointe lors des Jeux organisés en Australie du 15 septembre au 1er octobre prochain. La décision définitive sera prise le 29 août par la commission exécutive du CIO. Avant cette date, la commission juridique du CIO devra avoir donné son accord.

A Lausanne, les treize experts mandatés - six pour la commission « biochimie et dopage » du CIO et sept spécialistes extérieurs au mouvement sportif - ont estimé que le maximum de précautions devait être pris pour fournir toutes les garanties quant à la valeur des résultats des contrôles antidopage. Se refusant à trancher entre des deux méthodes (l'une australienne, l'autre française) qui leur étaient proposées, ils ont décidé, au vu des résultats disponibles, qu'il fallait les associer. La méthode développée par les chercheurs de l'Institut australien des sports (AIS) et du Laboratoire du dopage de Sydney est un test permettant, à partir d'une prise de sang et de manière indirecte, de dire s'il y a eu prise d'EPO, cette hormone qui augmente la puissance musculaire en stimulant la production des globules rouges. Les chercheurs australiens ont mis au point un modèle qui, à partir de la mise en équation de cinq paramètres cellulaires et biochimiques sanguins, détermine si le sportif à eu recours à des injections d'EPO. Un procédé d'automatisation des analyses permet de connaître le résultat en quelques heures.

PROCHE DE LA PERFECTION
Protégée par un brevet détenu par les Hospices civils de Lyon, la technique française a été mise au point au Laboratoire national de dépistage du dopage par Jacques de Ceaurriz et Françoise Lasne. Elle ne nécessite que des échantillons urinaires. Il s'agit d'un test direct qui consiste à identifier la présence, dans les urines, de structures d'EPO différentes de l'EPO naturellement synthétisée par l'organisme. Elle assure la détection de l'hormone d'origine exogène dans les trois jours qui suivent son administration, le résultat pouvant être fourni en quarante huit heures.

Pour M. de Ceaurriz ces deux techniques combinées « rendent le processus de contrôle fiable à 100 % ». Cette combinaison aboutit à « un test proche de la perfection », a pour sa part déclaré Rimantas Kazlaukas, directeur de l'AIS. « Le test australien seul pourrait ne pas résister devant un tribunal, a précisé le prince Alexandre de Mérode, président de la commission médicale du CIO. La méthode française est extrêmement prometteuse seule, mais elle présente encore quelques petits problèmes. La combinaison des deux méthodes donne des garanties et les assurances dont nous avons besoin. Désormais je pense que l'obstacle juridique peut-être passé aisément ». Quelle conclusion pourra-t-on tirer s'il apparaît des résultats divergeants chez un même athlète ? « Si un résultat est négatif et l'autre positif, le résultat final sera négatif » a expliqué Alexandre de Mérode. Pendant les Jeux de Sydney, les contrôles seront effectués de manière inopinée, lors d'entraînements par exemple. Le chiffre de 300 contrôles a été retenus, ce qui signifie que seulement 3 % des athlètes présents aux Jeux seront concernés. Le docteur Patrick Schamasch, directeur médical du CIO, a toutefois indiqué que ce nombre pourrait être doublé. Environ 2 400 contrôles antidopage « classiques » seront également effectués lors des compétitions sportives.

Par ailleurs, la décision par le CIO de valider conjointement les deux méthodes pourrait compromettre la détection a posteriori de l'EPO chez les cyclistes ayant participé au dernier Tour de France telle qu'elle avait été prévue par l'Union cycliste internationale (UCI) qui avait décidé de faire congeler des échantillons d'urine des coureurs. L'UCI avait demandé quelques jours avant le départ du Tour que des recherches complémentaires soient effectuées par le Laboratoire national de dépistage du dopage.

Cette décision qui avait été prise dans l'attente de la validation de la méthode française de dépistage par le CIO, n'avait pas prévu que ce dernier pourrait demander la réalisation conjointe d'une méthode fondée sur des des prélèvements sanguins. Il reste enfin à savoir si le dépistage du dopage à l'EPO est effectivement mis en oeuvre lors des Jeux de Sydney, quelles parades pourraient trouver des athlètes pour, en invoquant des raisons sportives, médicales ou philosophiques, refuser qu'on effectue chez eux un prélèvement de sang.

Jean-Yves Nau et Gilles van Kote
Le Monde daté du jeudi 3 août 2000