Contrôlé positif, Christophe Dugarry se déclare victime d'une injustice



À FORCE de le suivre à la trace, elle a fini par le rattraper. La rumeur d'un contrôle positif de Christophe Dugarry, vingt-sept ans, agitait le milieu du football depuis des semaines. L'attaquant de l'Olympique de Marseille se savait soupçonné et ne se privait pas, en privé, de fustiger « les colporteurs de ragots ». Désormais, il devra concentrer son énergie à réfuter la thèse de la prise de nandrolone, un stéroïde anabolisant qui développe la masse musculaire et renforce la résistance à l'effort.


Après ses performances sous le maillot des Girondins de Bordeaux en 1996, Christophe Dugarry avait connu un succès mitigé dans ses deux expériences au Milan AC, puis à Barcelone. Sa sélection pour le Mondial 98 avait soulevé de nombreuses critiques, qu'il avait fait disparaître en marquant le premier but des champions du monde. Recruté en décembre 1997 par l'OM, il a confirmé son retour au plus haut niveau, mais sa saison a été entachée de deux épisodes embarrassants. Sa participation aux violences qui ont suivi le match retour de demi-finales de Coupe de l'UEFA, à Bologne (Italie) le 20 avril, a entraîné une lourde suspension pour 5 matches européens, le privant de la finale contre Parme. Et son expulsion à la 25e minute du match Andorre-France de qualification pour l'Euro 2000 va certainement lui valoir une nouvelle sanction.
Dans ce combat incertain contre un destin défavorable, l'attaquant, qui était effondré après la divulgation de la nouvelle de son contrôle positif, bénéficiera du soutien de son club.
  LE SOUTIEN DU CLUB Le président délégué de l'OM, Yves Marchand, l'a promis juste après avoir confirmé la mésaventure du joueur, mardi 29 juin, en accusant réception d'un courrier officiel de la Fédération française de football (FFF) : « Christophe conserve évidemment notre confiance, nous pensons qu'il ne s'est pas dopé. Il y a une différence entre contrôlé positif et dopé. »
Dans la matinée, le directeur sportif, Marcel Dib, avait nié toute notification de ce contrôle positif ( Le  Monde du 30 juin) alors que le club avait était informé par Christophe Dugarry dès le lundi 28 juin. La date du contrôle remonte au 30 avril, à l'issue du match entre l'OM et l'Olympique lyonnais (0-0) comptant pour la 31e journée du championnat de France. Le laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine) a détecté dans l'échantillon prélevé des traces de métabolites supérieures au seuil de 2 nanogrammes par litre d'urine toléré par le Comité international olympique (CIO).
Dugarry, qui reprendra l'entraînement jeudi 1er juillet, a demandé une contre-expertise, ce qui va étirer un peu plus une procédure fastidieuse. Entre le début des vacances estivales, la possibilité de faire appel après le jugement de la commission de contrôle dopage et le recours à une médiation du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), le champion du monde aura le temps de préparer son argumentaire pour échapper à la suspension de six mois ferme généralement infligée par les juges de la FFF en pareille circonstance.
« Je ne me suis jamais dopé et je mettrai tout en oeuvre pour démontrer les failles dans l'efficacité de la lutte antidopage », a indiqué le Marseillais, qui a disputé 28 des 34 rencontres du championnat 1998-1999. « Je suis une fois de plus confronté à une situation plus que difficile, on ne me laissera décidément jamais tranquille. J'ai toujours été contre toute forme de tricherie. Je vais me défendre. N'ai-je été contrôlé plus de vingt fois dans ma carrière, dont deux fois au cours du Mondial ? Que tous ceux qui croient en moi continuent, ils ont raison de le faire. »
Avant lui, les cinq autres footballeurs français déclarés positifs à la nandrolone avaient clamé avec la même vigueur leur innocence et crié à « l'injustice ». David Garcion (Lille) inaugura la série le 20 décembre 1996, et suivirent, lors de la saison 1997-1998, Cyril Pouget (Le Havre), Dominique Arribagé (Toulouse), Antoine Sibierski (Auxerre, « blanchi » au bénéfice du doute scientifique) et Vincent Guérin (Paris-Saint-Germain, dont la suspension a été levée par le tribunal administratif de Versailles pour vice de forme).
La notoriété de Christophe Dugarry, champion du monde avec les Bleus le 12 juillet 1998, suscite évidemment un tout autre impact et son dopage, s'il était avéré, entacherait forcément le football français. La FFF a attendu 1995 pour intensifier ses contrôles et n'avait épinglé, dans un premier temps, que des consommateurs de cannabis, parmi lesquels deux gardiens de but célèbres, les futurs champions du monde Fabien Barthez (Monaco) et Bernard Lama (Paris-Saint-Germain), suspendus pour deux mois ferme.
Si plusieurs juges italiens suspectent un dopage organisé dans des clubs du Calcio, cette hypothèse n'est pas, pour l'instant, retenue en France. En revanche, parmi le corps médical attaché aux équipes, la crainte se propage de « comportements individuels irresponsables » après des consultations auprès de pseudo-médecins. « Ce qui se passe dans notre dos nous échappe forcément », lâche un docteur désabusé.

  Elie Barth


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