Dopage : Le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage bloqué sur la ligne de départ



Installé depuis l'été 1999, il y a neuf mois, après l'adoption de la loi sur le dopage, en mars de la même année, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), voulu par le ministère de la jeunesse et des sports, présidé par Michel Boyon, ne peut toujours pas agir en matière disciplinaire comme dans les domaines de la recherche et de la prévention, faute de publication des décrets d'application du texte.

CHAQUE MATIN, l'arrivée du Journal officiel est attendue avec impatience au n° 35 de la rue Saint-Dominique, dans le quartier parisien des ministères, où le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD) s'est installé à l'été 1999. Presque neuf mois après sa création, cette instance indépendante attendait toujours, lundi 13 mars, les décrets d'application de la loi sur le dopage, votée en mars 1999, qui lui permettront de rendre ses premières décisions. Un retard qui réussit à susciter une pointe d'agacement chez Michel Boyon, son président : « C'est totalement absurde, car il n'existe aucun problème de fond et que nous sommes dans les starting-blocks. La première décision disciplinaire sera un acte fondateur pour le Conseil, elle en consacrera l'existence. Il n'est pas bon de tant tarder à la prendre. »

Pour des questions de procédure, cette décision « historique », la première rendue par une instance indépendante du pouvoir politique et des fédérations en matière de dopage en France, ne pourra être rendue avant un délai d'une quarantaine de jours après parution du décret tant attendu, qui a reçu l'aval du Conseil d'Etat le 8 février et dont on ignore toujours le sort. « Ce n'est pas dramatique, mais frustrant et gênant, notamment du point de vue de l'impact que ce retard peut avoir sur les sportifs, qui ne voient rien venir et pourraient finir par penser que rien ne va se passer, estime Claude-Louis Gallien, l'un des neuf membres du CPLD. Nous nous réunissons tous les quinze jours, nous avons commencé à travailler sur un certain nombre de dossiers, mais nous attendons toujours pour passer à la phase de la mise en application. »

« AUCUNE ÉTUDE SÉRIEUSE »

Le 8 mars, histoire de montrer qu'il existe bel et bien, le CPLD s'est quand même fendu d'un communiqué pour « exprimer sa préoccupation devant de nombreuses déclarations faites (…)sur la nandrolone, et qui ne reposent sur aucune étude scientifique sérieuse ». A terme, ses neuf membres voudraient être reconnus comme des « sages » en matière de dopage. Le CPLD est composé de scientifiques, nommés par l'Académie de médecine, de juristes, nommés par le Conseil d'Etat et la Cour de cassation, et d'un sportif de haut niveau, le judoka David Douillet, désigné par la famille du sport. Ses domaines d'intervention sont au nombre de trois : la discipline, la recherche et la prévention. Le premier volet est le plus sensible.

L'intervention du CPLD en matière de répression ne signifie pas que les fédérations sportives sont dessaisies de leurs pouvoirs disciplinaires : elles auront quatre mois pour se prononcer à partir de la date de la constatation de l'infraction. Si au bout de ce délai aucune décision n'a été rendue, le CPLD sera automatiquement saisi. Il pourra également se saisir lui-même s'il considère qu'une sanction fédérale n'est pas appropriée.
« Nous ne voulons pas être considérés comme des gardes-chiourme mais nous n'hésiterons pas à prendre nos responsabilités », affirme Michel Boyon. Les dérapages constatés au niveau des certificats de justification thérapeutique semblent avoir particulièrement choqué l'ancien président de Radio-France. « J'ai été frappé de voir à plusieurs reprises des certificats médicaux justifiant l'usage de tel ou tel produit à des fins thérapeutiques mais postérieurs de plusieurs mois à l'infraction constatée, affirme-t-il. Nous ne prendrons pas pour argent comptant n'importe quel document signé d'un médecin. »

Pour ce qui concerne le domaine de la recherche, le budget du CPLD (4,7 millions de francs) ne lui aurait pas permis de financer des études scientifiques. Doté d'un pouvoir de coordination de la recherche fondamentale pour tout ce qui touche à la médecine du sport, il pourra en revanche s'appuyer sur les chercheurs du CNRS, de l'Inserm, voire de l'INRA. « Si on veut sortir du jeu du gendarme et du voleur, il nous faut anticiper, essayer d'imaginer ce que sera le dopage dans dix ou quinze ans, reprend Michel Boyon. Plusieurs de nos membres sont convaincus que certains laboratoires ont commencé à travailler sur l'utilisation de la génétique. On ne pas rester passif face à ce risque. »

La prévention reste sans doute le domaine d'intervention du CPLD le plus flou. « Aujourd'hui, les actions dans ce secteur sont trop dispersées, regrette Claude-Louis Gallien. N'ayant pas de moyens propres et le ministère de la jeunesse et des sports gardant la responsabilité de ce domaine, je crains que notre rôle ne se limite à émettre des avis en la matière, alors que nous devrions jouer un rôle moteur. »

Gilles van Kote