Le CIO descend de l'Olympe

Article paru dans "l'équipe" du 5/02/99


Obligé de sortir de son isolement devant la pression des gouvernements, le CIO doit partager avec eux la gestion de la future agence, mais maintient la suspension minimale de deux ans.


Un pas en avant, un pas en arrière, voici, en raccourci, la conclusion de cette conférence mondiale sur le dopage. Il ne s'agit pas de remettre en cause ni l'opportunité de son organisation, car ce qui s'est passé sur le Tour de France l'été dernier a ouvert les yeux à beaucoup, ni la qualité de certaines interventions qui ont nourri la rédaction d'une déclaration commune.
En convoquant cette conférence, fin août, le CIO ne s'attendait pas à se trouver contesté dans sa propre hégémonie. Car, depuis cette date, les pouvoirs publics, et notamment les gouvernements de l'Union européenne, ont pris le problème du dopage à bras-le-corps, à l'initiative de Maire-George Buffet.
La France est en effet le premier pays à disposer (dans les prochains jours) d'une loi rénovée sur la prévention de la santé et contre le dopage. Elle sera suivie, dans l'année, par l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et d'autres plus tard. En outre, pour la première fois, tous les ministres des sports de l'Union européenne se sont réunis le 18 janvier dernier à Bonn, préparant ainsi cette conférence et y arrivant en bataillons serrés.
Ils ont tout de suite fait comprendre que la lutte contre le dopage ne concernait pas seulement le mouvement sportif, lequel a fait preuve de laxisme, d'imprécisions et qui bute de plus en plus sur une incompétence policière et un encadrement juridique. Ils ont rappelé qu'ils avaient en charge la prévention, la santé des sportifs, pas seulement en déclarations d'intention.
Ce front commun, incontestablement, a surpris le CIO, et surtout la teneur ferme des propos. Cela s'est traduit par un net recul du mouvement olympique quant à la composition du conseil de la future Agence internationale antidopage. Désormais, les responsabilités seront partagées, mais aussi les moyens, car si le CIO a décidé d'abonder cette agence de 25 millions de dollars, les gouvernement ont promis d'amener leur écot.
La création de cette agence représente une réelle avancée, car, selon les termes de la déclaration finale, elle sera notamment chargée de " l'extension des contrôles hors compétitions, la coordination de la recherche, la promotion de l'action préventive et éducative ainsi que l'harmonisation des normes et procédures scientifiques et techniques en matière d'analyses et d'équipement ". Ce ne sera donc pas un super laboratoire de recherche qui manque actuellement à la médecine sportive.
On peut regretter que, dans la déclaration, ne soit évoquée la surcharge des calendriers, l'une des causes du dopage, pas plus que la référence à de nouveaux contrôles, pas plus que l'abandon de l'échantillon B, mais sans doute sera-ce l'une des tâches de la nouvelle agence qui devrait fonctionner avant les Jeux de Sydney.

L'autre grande préoccupation de cette conférence résida dans la définition de la sanction minimale en cas de contrôle positif. Plusieurs paramètres étaient entrés dans la discussion : d'abord, la grande majorité des fédérations internationales désiraient maintenir les deux ans minimum ; ensuite, le football et le cyclisme ne voulaient pas en entendre parler ; enfin, les gouvernants et les hommes de loi préconisaient une plus grande flesibilité. Et comme le CIO n'a pas du tout envie d'exclure des fédérations qui ne respectent pas le code médical, malgré la possibilité qui lui en est donnée au paragraphe 7 de la Charte olympique, une solution hybride fut trouvée et c'est là que nous parlons d'un pas en arrière.
Non pas que nous soyons contre, fondamentalement, une suspension de deux ans, mais on sait qu'à travers les juridictions pénales civiles ou bien le tribunal arbitral du sport, rarement cette durée se trouve maintenue. En revanche, une sanction de un an aurait eu deux avantages : limiter les recours juridiques et aligner le football et le cyclisme sur les autres fédérations.
En maintenant les deux ans, l'harmonisation entre les différentes fédérations, pourtant souvent réclamée en ces deux jours, n'existera pas. Il y aura des sanctions à deux vitesses. Pour justifier ce non-alignement, la déclaration finale parle de "circonstances spécifiques et exceptionnelles". Plusieurs comités nationaux olympiques sont montés au créneau, mais rien n'y fit. La question fut même posée carrément : "Est-ce qu'un sportif professionnel est une circonstance spécifique et exceptionnelle ?"
Car, évidemment, les regards se sont tournés vers le football, le cyclisme, le tennis. Les présidents de fédérations internationales dites petites l'avaient mauvaise : comment justifier une sanction de deux ans pour nos athlètes, alors qu'un cycliste ou un footballeur prend au maximum six mois ? Même si ces fédérations dites de professionnels reconnaissent désormais le Tribunal arbitral du sport (c'est le moins qu'elles pouvaient faire), la future Agence aura-t-elle les moyens de définir ces "circonstances spécifiques et exceptionnelles" et de faire appliquer des sanctions réalistes en fonction de la gravité de la faute ?


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