L'honneur retrouvé du cycliste Jérôme Chiotti, dopé repenti



ON NE SAIT ENCORE si cette scène restera dans l'anthologie du sport. Mais elle aura au moins soulagé la conscience d'un homme rongé par le remords. Mercredi 24 mai, le champion français de VTT Jérôme Chiotti a remis au Suisse Thomas Frischknecht le maillot arc-en-ciel et la médaille d'or des championnats du monde de cross-country 1996. Le dopé repenti estimait avoir usurpé ce bien quatre années auparavant en se dopant. Cette restitution émouvante et non dépourvue de courage a eu lieu dans une modeste salle d'un hôtel de Rosny-sous-Bois, situé en face du siège de la Fédération française de cyclisme (FFC).

« J'ai envie de réparer ma faute », a expliqué l'Aveyronnais. Cette année-là, en Australie, il s'était imposé devant le Suisse, grand favori. Or, le mois dernier, l'apparent vainqueur a avoué au magazine Vélo vert qu'il avait eu recours, pour s'imposer, à une cure d'érythropoïétine (EPO) qui avait bien sûr échappé au contrôle. Ce produit dopant augmente le taux de globules rouges dans le sang et donc l'endurance de celui qui y recourt.

« Dès 1997, j'ai eu envie de me confesser : je savais que Thomas était un coureur propre. Je n'étais pas fier de lui avoir volé le titre », a expliqué le Français. La voie vers la vérité aura été longue, qui a abouti mercredi à cet acte de contrition. « Il a mal agi il y a quatre ans, a commenté le Suisse. Mais ce qu'il fait aujourd'hui prouve que c'est un homme de coeur. Je suis prêt à lui pardonner. » Et il ajoute, en bon connaisseur du milieu : « Je lui souhaite bon courage, des moments difficiles l'attendent. »

Considéré comme le plus doué de sa génération, Thomas Frischknecht a la réputation d'avoir toujours refusé de succomber à la tentation du dopage, ravalant sa colère chaque fois qu'un tricheur venait lui souffler un succès. « Il faut dire aux jeunes que le dopage est un raccourci vers la victoire mais également vers la mort », a-t-il supplié, avant de se dire « persuadé que l'honnêteté paie à long terme. »

Après avoir rendu le maillot à son légitime propriétaire, Jérôme Chiotti a adressé une lettre à l'Union cycliste internationale (UCI) où il demande à être déchu de son titre au profit de son dauphin. Le coureur risque jusqu'à deux ans de suspension. « Si l'UCI décide d'une sanction symbolique, ce sera un appel d'air pour tous ceux qui étouffent aujourd'hui dans le peloton. Si elle décide au contraire de se montrer sévère, ce sera le retour à l'omerta », a prévenu Thibault de Montbrial, l'avocat de Jérôme Chiotti, qui est également le défenseur de Bruno Roussel, l'ancien directeur sportif de l'équipe Festina.

Après cette cérémonie, le coureur français était convoqué devant la commission de discipline de la FFC pour un autre grief. Il a en effet révélé avoir acheté à son principal adversaire, Miguel Martinez, le titre de champion de France de VTT, dans les derniers kilomètres, en juillet 1999. Ce genre de collusion serait pratique courante. Conscient de la portée de ses aveux, Jérôme Chiotti tente désormais de sauver sa carrière. « Beaucoup de gens veulent ma peau », dit-il. Dans le cyclisme, le chemin de la rédemption reste plus pénible à gravir qu'un col hors catégorie.


Benoît Hopquin