Lutte contre le dopage: des bugs au démarrage


Installé en juin 1999, le CPLD, nouvelle instance française, ne sera opérationnel que dans trois semaines. Etat des lieux.


Par BLANDINE HENNION

Le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD) ne pourra pas véritablement remplir sa mission avant encore trois semaines. Cette instance indépendante, créée par la loi Buffet de lutte contre le dopage adoptée en mars 1999, avait pourtant été installée officiellement le 23 juin. Michel Boyon, son président, et les huit autres membres (1) de l'instance commencent à s'impatienter, tout en qualifiant 1999 d'«année de transition». La loi confère en effet trois rôles à cette toute jeune institution : la prévention, la coordination de la recherche scientifique et la fonction disciplinaire.
«Cette dernière fonction ne peut s'exercer avant trois semaines, faute de parution du décret», proteste Michel Boyon. Le Conseil d'Etat devrait le valider très prochainement. Mais le ministère de la Jeunesse et des Sports a perdu trois mois avant de le lui transmettre. La loi prévoit en effet que le CPLD intervient en seconde instance après les jugements disciplinaires rendus par les fédérations sportives à la suite de contrôles positifs. En fait, les dossiers patientent dans les armoires des fédérations, laissant les sportifs dans l'incertitude plus longtemps que nécessaire. «Ce sont les premières victimes de ce retard», martèle le président. Et l'incompréhension du public est complète, lorsque la sanction tombe très tardivement à la suite d'un contrôle dont les résultats ont été rendus publics.

Le Conseil, qui a également un droit d'autosaisine pour pallier le laxisme éventuel ou les défaillances des fédérations sportives, ne peut pas non plus exercer ce nouveau pouvoir, pourtant inédit en France.

Visibilité à retardement. Deuxième souci pour la bonne marche du Conseil, une histoire d'imprimés dépassés. La loi Buffet prévoit en effet que cette autorité indépendante est désormais directement destinataire des bordereaux de prélèvements effectués par les médecins contrôleurs. Tout comme le sportif concerné et les autorités fédérales. Avant la loi, un exemplaire était transmis au ministère de la Jeunesse et des Sports. Or, faute d'impression du nouveau bordereau, le pensum du médecin contrôleur, qui comporte le nom du sportif et les conditions de réalisation de son contrôle, est toujours adressé au ministère qui en envoie copie au CPLD. D'où une visibilité à retardement de l'évolution de la situation. Le ministère prétexte la préparation d'un nouveau décret sur les contrôles antidopage pour surseoir à ce maudit retirage. Une économie qui retarde l'application de la loi phare dudit ministère.

Expression publique. Puisque la loi laisse au Conseil le soin de s'exprimer publiquement sur tout sujet concernant le dopage, il va ainsi prochainement rendre publique une étude sur la manière dont les contrôles sont effectués. «Quelles compétitions choisir, qui décide des contrôles, tels seront les sujets de l'étude», explique Michel Boyon. Une façon d'en améliorer l'efficacité. Inutile en effet de contrôler à tout va quand les chances d'aboutir à un contrôle positif sont réduites, en tout début de saison cycliste par exemple.

Car, pour l'heure, seuls des budgets en augmentation permettent l'accroissement de leur nombre. Près de 10 000 contrôles devraient être pratiqués en l'an 2000, contre 7 500 environ l'an dernier. Pour 1999, c'est le ministère qui se chargera des statistiques comme les années précédentes. Mais cette année, l'information sera faite par le CPLD. «Nous tenons à informer beaucoup plus régulièrement, plusieurs fois par an», poursuit-il. Toutefois, la période de mai à octobre restera toujours la plus significative.

En outre, le Conseil possède un rôle de coordination des recherches sur les produits dopants. Qu'il s'agisse d'une meilleure connaissance des effets physiologiques des dopants, de leur détection ou encore des produits masquants. Lundi, il se réunira pour proposer des axes cohérents aux politiques publiques de recherche en la matière, via l'Inserm ou le CNRS.

Prévention. Enfin, le rôle le plus essentiel du CPLD réside bien évidemment dans la prévention. Les deux prochaines réunions des neuf sages y seront consacrées. Le Conseil devra avoir des idées originales en l'espèce. Mais aussi donner son opinion sur les initiatives des différents acteurs concernés, de l'Education nationale aux professions de santé, en passant par les effectifs régionaux du ministère.

Pour ce faire, le CPLD disposera de 4,7 millions de francs de budget pour l'année 2000. En outre, un report des crédits non utilisés en 1999 permettra de moderniser l'outil statistique informatique.

(1) Outre Michel Boyon (Conseil d'Etat), le Conseil comporte deux autres juristes (Daniel Farge, conseiller à la Cour de cassation et Maurice-Antoine Lafortune, avocat à la Cour de cassation), de trois pharmaciens, d'un sportif de haut niveau (David Douillet), d'un médecin et d'un scientifique, administrateur du CNOSF.