La santé des cyclistes amateurs inquiète les instances fédérales



La paralysie de l'unité mobile biologique chargée d'effectuer les prélèvements sanguins encouragerait les coureurs amateurs à renouer avec les pratiques de dopage



Le Champenois François Simon a gagné, dimanche 27 juin, le championnat de France professionnel de cyclisme à Charade, dans le Puy-de-Dôme, en bouclant les 202,8 km avec une moyenne de 35,108 km/h. Il succède ainsi à Laurent Jalabert, qui n'a pas défendu son titre. Le coureur de l'équipe Crédit agricole a devancé Pascal Hervé (Festina) et Cédric Vasseur (Crédit agricole), qui a précédé Richard Virenque (Polti) sur le fil à l'issue d'une course rendue difficile par des pluies d'orage et des rafales de vent. Le succès de François Simon a réjoui Daniel Baal, le président de la Fédération qui a, en revanche, manifesté son inquiétude au sujet de l'état sanitaire du peloton amateur. Depuis le mois d'avril, ces coureurs ne sont plus suivis en raison de la paralysie de l'unité mobile biologique chargée des contrôles sanguins. « Certains sont retombés » dans les pratiques de dopage, estime M. Baal.

Le rejet du dopage « est une réalité pour une grande majorité » des coureurs cyclistes français. C'est ce qu'aime à répéter Daniel Baal, le président de la Fédération française de cyclisme (FFC). Mais ses propos ne visent que les professionnels. Car la situation apparaît beaucoup moins reluisante chez les amateurs.

« Il y a une vraie inquiétude », déclare Daniel Baal, à propos de l'état de santé de ces coureurs classés dans la catégorie Elite 2 (les professionnels constituent l'Elite 1). A ce niveau, le problème du dopage « reste entier » assure le président de la FFC. Des témoignages font état d'un retour aux pratiques illicites, après un début d'année « prudent ». A ce titre, le championnat de France Elite 2, gagné vendredi 25 juin à Charade (Puy-de-Dôme) par Ludovic Turpin (vingt-quatre ans), du CC Etupes (Doubs), avec une moyenne (35,610 km/h) supérieure à celle de François Simon, vainqueur chez les professionnels (35,108 km/h), pour un parcours plus court de 42 km, « a été une caricature » selon François Poyet, médecin du comité régional Auvergne de la FFC. « Dès le premier tour, on a vu une cinquantaine de gars largués, après que ceux du CC  Etupes notamment aient mis la pression.  »

Les dérives chez les Elite 2 sont, d'un avis général, pour une large part dues au dérapage de la politique de prévention des pouvoirs publics français. Le ministère de la jeunesse et des sports avait, en effet, décidé la création d'une unité biologique mobile, chargée d'aller effectuer des prélèvements sanguins obligatoires sur les coureurs, au plus près de leur domicile. Ces prélèvements étaient ensuite centralisés pour analyse à l'institut des biotechnologies de Troyes dirigé par le Dr Gérard Dine.

Cette unité mobile ne fonctionne plus depuis fin avril. Pour des raisons à la fois administratives et financières. Résultat : si les professionnels ont passé le deuxième volet de ce suivi médical avant que l'unité mobile ne s'arrête, les Elite 2 n'ont pas subi ce deuxième prélèvement. « Certains sont retombés » dans les pratiques de dopage, souligne Daniel Baal, car selon lui, la peur du suivi médical ne joue plus. « Si ce n'est pas un outil antidopage au sens strict, il a un effet dissuasif », assure le président de la FFC, qui souligne les « proportions inquiétantes » que révèlent les mesures des taux hématocrite des amateurs. Sur 111 coureurs contrôlés inopinément depuis le début d'année, quatre ont présenté un taux supérieur à 51 % et 21 un taux compris entre 46 % et 50 %. Pour mémoire, la limite autorisée est de 50 % et le taux normal oscille entre 43 et 46 %. Dans ce contexte, la reprise du suivi médical « est importante », juge Daniel Baal.

C'est chose faite pour les professionnels. Samedi 26 juin, à la veille du championnat, 98 d'entre eux (sur 135) ont satisfait au troisième volet du suivi. Aucune inaptitude n'a été prononcée, les taux hématocrite étant tous inférieurs à la limite autorisée.

  PROBLÈME DE FINANCEMENT

A l'avenir, faute d'unité mobile, la FFC a décidé de se doter de son propre réseau de laboratoires pour effectuer ce suivi. Elle a confié au docteur Dine le soin de coordonner sa mise en place. « Nous ne pouvions pas nous contenter de la liste des laboratoires transmise par le ministère de la jeunesse et des sports pour pallier la disparition de l'unité mobile », explique Daniel Baal. Reste un point sensible : le financement de ce réseau. Pour les professionnels, ce sont les groupes sportifs employeurs qui paieront la facture des examens. Pour les amateurs en revanche, la question n'est pas réglée. « Au bas mot, cela représente 1,6  million de francs par an, relève Daniel Baal, qui mise sur un coup de pouce public. Le ministère a parlé d'une subvention en contrepartie de l'arrêt de l'unité mobile.  »

« Il y a une subvention allouée à chaque fédération sportive concernée par ce suivi médical, pas seulement le vélo. Nous avons les fonds : un peu plus de 110 millions de francs », confirme Joël Delplanque. Fraîchement nommé directeur des sports au ministère, ce dernier ne sait cependant pas quand les sommes pourront être débloquées. Il indique également qu'il « faut voir » comment une subvention pourra être versée pour des examens qui ne seront pas pratiqués dans les laboratoires figurant dans la liste du ministère.

  Philippe Le Coeur

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PFC et hémoglobine réticulée dans le collimateur
L'utilisation dans le peloton des perfluorocarbones (PFC) et de l'hémoglobine réticulée, aux effets similaires à ceux de l'EPO, suscite des «  inquiétudes réelles  », selon Daniel Baal, président de la Fédération française de cyclisme (FFC). Pour la première fois, les traces de ces produits devraient être recherchées chez les professionnels français à la faveur des examens du suivi médical passés samedi 26 juin. Mais la FFC veut aussi voir pratiquer des contrôles antidopage dans lesquels ces produits seront détectés. « Le laboratoire national de Châtenay-Malabry a mis au point une méthode », explique M. Baal. Pour imposer ces tests sanguins, il faudra cependant amender la loi Bambuck en France, ainsi que le règlement de l'Union cyliste internationale (UCI), qui stipulent que les contrôles antidopage sont urinaires. M. Baal pense que ces contrôles pourraient être mis en oeuvre fin 1999 ou début 2000.R>

Le Monde daté du mardi 29 juin 1999

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